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tiroiir, le Chouan de la critique romantique. Il a eu les qualités et les défauts du romantisme transplanté, un peu en exotique, et comme dépaysé dans le larg'e champ de la critique : une parfaite indépendance des règ-les d'antan, une rare vivacité d'esprit et une pénétration singuhère du regard; mais, par malheur, trop de fan- taisies, trop de panache, un jugement trop facilement « impressionné » par la passion. « Les romantiques, en critique, — dit M. Brunetière, — ont eu des sympathies ou des antipathies ; les livres ou les hommes ont été leurs ennemis ou leurs amis; et ils les ont traités les uns et les autres comme tels, du droit de leur humour, et, s'il faut être franc, sans aucune intention ni le moindre souci de justice ou d'impartialité. » (1). La formule est assez sévère ; mais on n'est pas fondé à prétendre qu'elle soit dénuée de vérité. Effectivement les romantiques, même les plus grands, n'ont pas exercé d'une main bien ferme cette redoutable magistrature de la critique inflexible et intègre. Ils étaient trop bons créateurs pour rester excellents juges. Leur idéal les hantait malgré eux jusque dans les livres d'aulrui; ils le cherchaient partout, et, partout où ils n'en trouvaient pas l'expression suffisante^ ils se sentaient invinciblement portés au déni- grement. Il y avait du parti-pris dans leur critique, parce qu'ils y mettaient de la passion, parce qu'ils s'y mettaient eux-mêmes tout entiers avec leurs préférences, leurs programmes et leurs systèmes, parce qu'ils jugeaient plutôt avec leur sensibilité qu'avec leur froide raison. Mais, au fait, quelle critique est exempte de parti-pris? Il faudrait dépouiller sa propre personnahté pour être

(1) F. Brunetikre. — La Lilléralure européenne au XIX' siècle (Revue des Deux-Mondes, 1" décembre 1899).