Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 29 -

supposer qu'elles soient surannées; qu'ils revêtent de temps en temps un uniforme assez laid et se décernent l'un à l'autre, en des séances solennelles, un brevet d'immortalité que l'avenir ne ratifie pas toujours de son contre-seing décisif; cela peut alimenter une raillerie facile. Il ne s'ensuit nullement que ces hommes cessent d'être des « individus » pour devenir, après avoir abdiqué leur personnalité, de simples entités ou des numéros d'ordre fixés et figés dans un fauteuil. Ils ne ressemblent pas plus à des momies égyptiennes, immobiles en leurs tombeaux, qu'à des soldats évoluant sur un champ de manœuvre et qui ne conservent alors aucun caractère proprement distinctif. Quelle variété, au contraire, parmi tant de penseurs et d'écrivains qui, sous un uniforme d'apparat, n'ont peut être de commun que leur titre ! M. Guvillier-Fleury s'extasiait devant les fonctions aca- démiques où (c'est ainsi qu'en son discours de réception il traduisait son enthousiasme devant ses confrères), « l'égalité qui vous unit aime à se révéler tour à tour dans la puissante diversité qui vous distingue ». Sans monter à ce diapason d'un éloge dithyrambique, on peut croire que les élus de l'Académie ne renoncent à aucune de leurs prérogatives ou qualités individuelles et ne sacrifient aucune parcelle de leur tempérament au désir enfantin, — et irréalisable d'ailleurs, — de se façonner sur leurs devanciers, voisins et émules. Après comme avant leur entrée dans le sanctuaire, ils sont et demeurent eux-mêmes, à condition qu'ils possèdent une valeur réelle et qu'ils représentent quelque chose. Mieux encore. Ils tiennent d'autant plus jalousement à leur personnahté et s'efforcent d'en garder l'empreinte, qu'ils savent bien qu'on leur reprochera de s'être coulés dans le moule des statues vénérables et froides qui sont l'austère ornement de la Coupole.