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un grand artiste. Sa vie était belle et austère, et son attitude était dim exemple confortant. Plus par cette attitude encore que par son œuvre , il agissait sur nos jeunes esprits, et cette petite existence d'un grand homme nous impressionna comme un conseil. Il fau- drait dire sa vie misérable, une misère en dentelles, le contraste d'une double aspiration : le protestataire en révolte contre son époque, qui, insuffisamment payé par elle, affecte de n'être point payé, et fait montre et ^.fait gloire d'une misère injuste ; puis, en face, l'élégance du gentilhomme romantique qui veut tout en beauté, son esprit et son corps, et qui met des fanfreluches à ses haillons. Et ces deux choses ne sont pas en lui contradictoires, mais corollaires ; il n'y a point là d'inconséquence, mais au contraire confirmation d'un vœu par l'autre, puisque tous deux procèdent du culte orgueilleux de soi et du dégoût qu'inspirent les vilenies mondaines. C'est par cela qu'il nous touchait surtout » (2). La même note, un peu accentuée cependant, est donnée par M. Octave Uzanne. «Je ne pourrais guère, — dit M.Uzanne,— préciser l'influence positive que Jules Barbey d'Aurevilly exerça sur les jeunes écrivains de son temps : cela me semble difficile à analyser et à doser. Je le voyais à la même heure que Paul Bourget ; et ce qui semble s'être davantage dégagé de cet incomparable causeur, c'est la sérénité de sa noblesse morale, de sa chevaleresque nature, de son admiration pour tout ce qui s'élevait au-dessus d\i vil intérêt ou de la bassesse courante. Ce fut bien, dans les Lettres, le chevaher sans peur et sans reproche, le gentilhomme pauvre qui exaltait encore sa pauvreté, sa noblesse, son dédain des

(2) Lettre inédite de M. Edmond Haniucourt (17 novembre 1900).