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fiere franquette du soldat, - l'arquebuse sur le cou ou le cul sur la selle. Agrippa d'Aubigné est un Corneille de la première heure, un Corneille incorrect, fougueux et confus, mais enfin il a l'honneur d'avoir fondé ce haut lignage. Il a l'honneur d'être intellectuellement l'aïeul de Corneille, comme, physiologiquement, l'honneur d'être celui de cette admirable femme taillée pour la Royauté et l'Histoire, qui racheta le protestantisme de son grand- père et qui fut madame de Maintenon » (1).

C'est Corneille, le « descendant » de d'Aubigné, — « surpassé, je le veux bien ! par son petit-fils » (2), - c'est Corneille qui ouvre le XYIP siècle avec éclat. «La vie de Corneille, - écrit Barbey d'Aurevilly, - n'est guère pour nous qu'un clair-obscur, — une espèce de tableau de Reinbrandt au fond duquel, comme l'alchi- miste qui fait de l'or, Corneille travaille à ses chefs- d'œuvre... Les fonds noirs vont bien aux têtes de génie, et leur plus belle atmosphère, c'est le mystère à travers lequel on les entrevoit. Les ombres de la nuit allongent les monuments et les statues... Corneille, ce génie dans l'obscurité, entrevu, presque caché, - non pas seule- ment dans une petite maison noire d'une rue noire de Rouen, mais dans la silencieuse fierté de son cœur, — une autre ombre ! - mais aussi dans cette vie étouffante, bourgeoise et pauvre, qui en est une troisième, — paraît plus idéal et plus grand... C'était un génie sédentaire... Corneille n'avait besoin d'aucun soleil pour être le poète qu'il a été. Son soleil, c'était le cœur de l'homme... Il avait les deux génies : génie romain, génie gaulois. Il était héroïque et stoïque, cet étonnant Corneille, et il

(1) Les Poètes (éd. Lemerre, 1889), p. 51 et sniv.

(2) Ibid., p. 62.

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