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Barbey d'Aurevilly croit donc à l'action des milieux, où l'esprit s'est formé, au pouvoir des paysages sur l'àme naissante. 11 n'a pas une foi moins vive en l'empire de la race. « Pour qui croit,— dit-il, — à la forte influence de la race sur le caractère, le génie et la beauté des hommes (et je suis de ceux qui ont cette faiblesse), il ne sera pas indifférent de savoir quelle fut cette famille de Guerin qui a fini par deux poètes, le frère et la sœur ». (1) Non, ce n'est pas une faiblesse de tenir compte de l'em- preinte que laissent au cœur les milieux oîi l'on a vécu, tout enfant, et la famille d'où l'on descend. Si, plus tard, le critique du Constitutionnel a vivement reproché à Taine d'abuser de ces indications, qui dispensent trop souvent d'une étude personnelle et approfondie des œuvres, il n'en a pas moins continué à y donner son adhésion. Ici encore, comme en bien d'autres circons- tances, il s'est affirmé précurseur. Et son à me normande s'en est réjouie.

Mais ce n'est point par pure fantaisie d'esprit ou pour les besoins de sa critique que Barbey d'Aurevilly s'est prononcé en faveur de la théorie des milieux : c'est parce qu'avant tout il était Normand et qu'il voulait être Normand dans ses œuvres. Il chante Néel le Vicomte- « Néel, — dit-il à Trebutien, le 21 janvier 1855, — est le héros de mon pays. Si je ne me trompe, il vivait sous Charles VI ; et, je ne me trompe plus en ceci, il a défendu vigoureusement le Donjon de Saint-Sauveur (le Vicomte) contre les bouledogues Anglais. J'ai été élevé et j'ai mangé bien des pommes aigres dans les douves de ce donjon-là, encore debout dans sa masse noire et rude qu'il m'a laissée sur l'esprit, et qui m'y restera comme

(1) Les Bas-bleus (Palmé, 1878) p. llo.