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merci le système de « l'arl pour l'art, ce déplorable et faux système, l'art ne devantjamais être que le glorieux serviteur de la vérité » (1). Et, dans sa critique de rAssonimoir, prenant à partie la grossière esthétique de M. Zola, il s'écrie : '< Il n'y a que l'inspiration qui fasse de l'art vrai et profond ».

L'art est donc chose secondaire aux yeux de Barbey d'Aurevilly. Il est facile de s'en rendre compte lors- qu'on examine la manière de composer qu'il affectionne. Par- exemple, il a reçu, très fortes, à la lecture, l'im- pression d'un livre, ou, à quelque spectacle, la sensation d'un événement. L'image du livre ou de l'événement se gravent aussitôt, et très à fond, en lui. Il ne peut se tenir d'exprimer de suite, vaille que vaille, et à tout hasard, sa sensation ou de traduire son impression sous forme concrète. Puis, d'images en images, il déroule la série de ses évolutions mentales. Les images en- traînent dans leur cours vertigineux les idées qui dès lors se succèdent et s'appellent l'une l'autre. Images ou idées, il les ramasse toutes en un faisceau plus ou moins serré et n'en laisse échapper aucune, incidente ou essentielle. Il les emporte avec fougue dans le tumul- tueux mouvement de sa pensée touffue, chargée à en craquer et qui néanmoins porte avec aisance, gaillarde- ment et crânement, à la militaire, son lourd fardeau. Chez d'Aurevilly, l'image a donc la priorité ; mais les images successives du début se résolvent toutes finale- ment en une forte et lumineuse idée qui domine le reste et triomphe de la sensation. L'idée, c'est le coup de canon que les images font partir, — ou plutôt c'est la

(1) Les Philusophes elles écrivains religieux. 2' série, p. 313 (Fiinzine éditeur, 1881).