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aspect en niêiiie temps élégant et imposant. Nous l'avons examinée en détail, du dehors, puis au dedans, en cha- cune de ses parties essentielles. Il convient maintenant d'y jeter un regard d'ensemble pour tâcher d'en com- prendre la structure générale.

Dans cet édifice, fait de pierres aristocratiques, catholiques et normandes, qui en forment les plus solides assises, et enduit d'un romantisme rutilant, qui en est la parure, Barbey d'Aurevilly s'est installé en maître ; il y a régné comme un monarque sans escorte et a unifié, par la vertu de son tempérament puissant, ce que les couleurs composites qu'il avait choisies avaient d'in- cohérent et de disparate. Une fois établi chez lui, en une maison appropriée à ses besoins et à ses goûts, il s'est révélé « individualiste » à outrance. Ainsi, il s'est forgé, presque tout naturellement, une esthétique originale, d'allure harmonieuse et sévère, d'éléments brillants et forts.

On pourrait surprendre les premiers linéaments de cette esthétique dès l'œuvre de début où d'Aurevilly a manifesté ses tendances d'artiste : le conte intitulé Léa. Mais il vaut mieux confier à l'auteur lui-même le soin de nous dévoiler ses secrets. Dans son Mémorandum du 21 janvier 1838, il oppose fièrement la doctrine roman- tique aux vieilles théories classiques et conclut à la supériorité de l'une sur les autres. 11 fait bon marché de l'idéal de Pascal et de Boileau. Il ne veut pas se relire, ne consent pas à remettre l'ouvrage sur le métier et n'entend point corriger les défauts de l'ins- piration. Lui, c'est à Lamartine et à Victor Hugo qu'il se rattache, et il pousse jusqu'aux extrêmes conséquences de la logique — ou de l'illogisme — (les deux finissent par se confondre) l'exemple sans règles fixes de ces hardis