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et ne se combine à merveille dans le jeu de celle phy- sionomie singulière, — rien qui ne s'adapte à tous les mouvements de son ame. D'Aurevilly peut être à la fois individualiste et catholique, sans qu'on s'en étonne, romantique et normand, sans qu'on s'en effraie, aristo- crate et indépendant, sans qu'on s'en scandalise. Et ces qualités, si extraordinairement accouplées, coexistent en lui et font assez bon ménage. Il les a unifiées et harmo- nisées par la vertu souveraine de son génie. Au moins semblerait-il qu'elles ne dussent avoir qu'une cohésion accidentelle et passagère. Pas du tout! Elles se sont agrégées à son être en un état permanent et stable. Elles font partie intégrante de son organisation intime. Elles sont toute son organisation. Elles constituent le fond même de son tempérament.

Dès lors, si « le style est l'homme », elles doivent se retrouver, vivantes, palpitantes de vie, dans la langue qu'a parlée l'auteur ^'Une Vieille Maîtresse. De fait, le style de Barbey d'Aurevilly est l'expression parfaite et adéquate de son tempérament. Il a mis dans « l'écriture » de son œuvre sa puissance d'individualiste, sa fougue de romantique, sa fierté d'aristocrate, sa sincérité de catho- lique, son énergie de Normand.

A seize ans, dans VOde aux Thermopyles, il écrit comme tout le monde, et plutôt mal que bien. Mais en 1832, à l'âge de vingt-trois ans, il est déjà maître de la forme romantique dont il revêtira ses idées. La pauvre Léa s'exprime en termes imagés, qui ne manquent pas de grâce ; et son amoureux Réginald se pâme en des déclarations brûlantes, qui ne sont pas exemptes de ridicule. Grâce, éclat et ridicule: l'antithèse est d'un romantisme savoureux qui porte bien l'empreinte de l'époque.