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dans la bruine do leur ronnantisme morbide. Les person- nages de la Bar/ uc cVAnnibal sonl dussi cosmo^ioliies : on nous dit qu'ils sont Caennais, et nous voulons bien le croire; mais ils pourraient tout aussi bien être des Parisiens, et, nous viendraient-ils de la libre Amérique, nous n'aurions pas le droit d'en demeurer stupéfaits. Ils appartiennent à l'humanité sans caractères individuels, à supposer même qu'ils soient vraiment des« humains ». 11 n'est pas jusqu'à la triste Germaine qui ne sache point au juste ce qu'elle est ni d'où elle vient. Si Barbey d'Aurevilly lui constitua un dossier de famille et la fit se mouvoir en Basse-Normandie, c'est plus tard, lorsqu'il la reprit pour en faire l'héroïne de Ce qui ne uieurt 2MS.

Mais voici que, vers 1840, l'auteur de Léa commence à prendre garde au « currlciilwii vitœ » de ses héros. Les deux machines à plaisir et à ennui, qui s'appellent Bérangère de Gesvres et Raimbaud de Maulévrier, dans VAinoii)' Imjjossible, sont bien des romantiques desséchés du Paris de la Monarchie de Juillet. On ne peut dire qu'ils vivent, dans l'oeuvre de Jules Barbey, car, dans l'existence réelle, ils n'ont pas de vie. Ce sont des poupées parisiennes, des « mannequins » de modistes ou de tailleurs : ils n'ont pas de « vague à l'âme », puis- qu'ils n'ont pas d'àme; seulement, ils ont été animés d'un peu de souffle malsain et ils en sont malades. Encore est-il qu'ils n'ont d'autre caractère que d'habiter Paris, et Paris est si grand qu'ils s'y trouvent perdus. Eux non plus, en définitive, n'ont pas de patrie.

Georges Brummell, au contraire, a la chance de posséder une patrie et même d'y régner en maître. D'ailleurs, il est bien de son pays. Il représente à merveille le type de l'Anglais dominateur et flegmatique.

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