Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/119

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 115 —

dfonl, puisqu'ils l'ignorent, qu'uiicune prescription ne nous arrache des mains la passion, dont le roman écrit rhistoire, et que le Catholicisme étroit, chagrin et scrupuleux, qu'ils inventent contre nous, n'est pas celui-là qui fut toujours la Civilisation du monde, aussi bien dans Tordre de la pensée que dans l'ordre de la moralité ! » (1). Et voilà comment le romancier d'f/"îic Vieille Maîtresse a concilié sa doctrine religieuse très étroite et sa concep- tion très larg-e de la morale! Mais que dirait Pascal, à l'énoncé de semblables théories?

Au jugement de Barbey d'Aurevilly, il n'y a donc aucune contradiction entre le catholicisme le plus impla- cable et la morale la moins rigoureuse. On n'est pas ici en présence d'une dualité irréductible, — le dogme, d'une part, et la morale, de l'autre. Le dogme et la morale sont deux aspects d'une même religion. 11 faut un dogme qui s'impose à la raison humaine, et une morale qui s'adapte aux forces du cœur. Pas n'est besoin de chercher ailleurs la clef du système religieux de l'auteur de V Ensorcelée. La morale qu'il prêche et pratique découle du dogme catholique tout naturellement, sans autre contrainte que celle qui nous fera passer du dogme pur, — doctrine métaphysique, — au dogme appliqué, qui est une doctrine d'action, une éthique !

Alors, pourquoi se scandaliser de certaines privautés qu'un grand seigneur a le droit de prendre avec la morale, du moment que les principes essentiels sont saufs ! A quoi bon se voiler la face devant quelques hardiesses et même quelques accrocs aux idées courantes ou aux règles de conduite journalière ? Ce sont là privi-

(1) Vne Vieille Maîtresse. Préface de la nouvelle édition (éd. Lemerre). p. 13.