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EN RACONTANT

chez un pêcheur de sa connaissance que je vins à lui envoyer les effets que j’avais l’intention de lui faire tenir.

Sur un signal de notre part, la chaloupe du steamer fut amenée à terre pour mon compagnon et moi-même, et nous fûmes bientôt à bord, harassés de fatigues, et affamés comme on peut bien se le figurer, après notre marche de 18 à 20 milles sans nourriture.

À peine avions-nous gagné le steamer, que le vent fraîchit, et souffla bientôt en véritable tempête ; il nous fut impossible de lancer une chaloupe, de sorte que l’infortuné Jones passât une nuit pleine d’anxiétés. Le matin suivant, l’économe du Napoléon iii, frappa à ma porte, disant qu’un homme, venant de terre, était à bord, et m’attendait sur le pont. Je me levai et m’habillai de suite. En arrivant sur le pont, je vis le pauvre Jones, qui, craignant que nous pourrions peut-être partir sans penser à lui, avait emprunté une chaloupe et ramé vers nous.

Quand notre capitaine et notre ingénieur, deux braves et courageux marins, le virent, ils ne purent s’empêcher de se sentir la larme à l’œil, car je leur avais fait connaître le soir précédent, l’état dans lequel je trouvai la famille Jones et la présence de cet homme, à demi-vêtu et grelottant de froid, à l’air abattu et découragé, ne faisait que corroborer ce que je leur avais dit.