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DANS LE BAS DU FLEUVE

île abandonnée ; et, un an après, il priait avec instance le gouvernement de lui rendre son ancienne position.

D’un autre côté, je sais aussi que d’autres ont perdu la raison, par suite de cette existence monotone et solitaire. Ceci n’est arrivé qu’aux hommes. Les femmes paraissent mieux en prendre leur parti ; elles font souvent la plus grande part d’ouvrage, tiennent la station en bon état, tandis que les hommes sont là à regretter leur bonheur passé. Il y a aussi des stations où le mari, la femme et les enfants paraissent très heureux, et où l’on cultive le bon ton, la musique et autres arts d’agrément. On y possède des livres, et leur langage ne ressemble en rien à l’espèce d’argot que l’on remarque quelquefois chez des gens élevés dans les villes.

Le professeur Linden, qui a visité ces parages, mentionne dans ses écrits une de ces familles, celle de M. Edwin Pope, de l’île d’Anticosti, que j’ai aussi visitée, et dont les charmantes filles, qui n’ont quitté l’île que l’année dernière (1882), feraient honneur à n’importe quelle famille de nos grandes villes ; ses garçons peuvent aussi avec avantage se présenter partout, et madame Pope est née et élevée sur l’île, qu’elle n’a jamais quittée que je sache. Il y en a beaucoup d’autres sur la côte du Labrador qui possèdent une bonne éducation, et même sont très agréables en société.