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UNE BALEINE

question. Nous ne perdions pas de vue leurs mouvements, et nous les vîmes approcher du banc de sable avec précaution, et débarquer. Comme la marée était à demi-baissant, la place laissée à sec s’étendait sur une distance considérable de l’objet en vue. Plus les hommes avançaient, plus ils paraissaient indécis ; ils marchaient ensemble en montrant des signes évidents de crainte. Ils continuèrent à avancer prudemment ; et, rendus à une certaine distance, ils s’arrêtèrent comme pour se consulter. Finalement, se tournant vers nous, ils se mirent à crier de toute la force de leurs poumons, dans leur langue maternelle. Nous écoutâmes, et je crus saisir les mots : « une baleine, une baleine ! » Pour le coup, pensai-je, voilà des hommes qui ont la berlue ; une baleine ici, dans cette partie du fleuve, qu’est-ce qui a déjà vu cela ? Néanmoins, je fis mettre une chaloupe à la mer, et nous atteignîmes bientôt la plage. Les hommes que j’avais d’abord envoyés en reconnaissance vinrent à ma rencontre ; ils paraissaient tout excités, et parlaient tous à la fois, disant que c’était une baleine monstrueuse. Deux d’entre eux déclaraient positivement qu’elle était vivante, qu’ils l’avaient vu clignoter des yeux ; un autre assura qu’il l’avait vu remuer ; personne n’avait osé l’approcher de trop près, craignant qu’elle