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EN RACONTANT

extraordinaire, il contourna le rocher, et se trouva en présence de trente cadavres, triste débris du vapeur le Granicus, jeté sur la côte, en novembre 1828.

Tous ces hommes avaient succombé à une mort terrible, ayant eu à lutter contre le froid et la faim.

Les scènes qui précédèrent l’agonie de ces malheureux avaient dû être épouvantables, car çà et là gisaient des lambeaux de cadavres qui avaient dû leur servir de pâture.

Il n’y a presque pas d’endroits de l’Anticosti qui n’aient sa lugubre légende.

Lorsque vous parcourez cette île étrange, tout à coup vous vous trouvez en présence d’humbles croix vous indiquant le dernier repos de quelques pauvres naufragés.

Plus loin, vous lisez, non sans étonnement, l’épitaphe d’une jeune femme morte à 22 ans.

Mourir dans la fleur de l’âge, au milieu de sa famille et de ses amis, se savoir enterrée à côté des siens où des mains pieuses et amies embelliront notre tombe, en y déposant des fleurs, n’est pourtant pas gai ; mais périr par quelque épouvantable tempête, au milieu des horreurs d’une nuit sombre, et être ainsi déposé par des étrangers sur une côte abandonnée, est bien mélancolique ; le froid vous gagne le cœur à cette pensée, et vous