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L’ÎLE D’ANTICOSTI

jours après ces deux départs, les pieds de MM. de Senneville et Vaillant se détachèrent de leurs jambes : leurs mains tombèrent en putréfaction, mais au milieu de ces douleurs et de cette infection, ils ne cessèrent de mettre leur confiance en Dieu et d’unir leurs souffrances à celles du Christ. Le P. Crespel était tout ému de cette foi inébranlable et de cette résignation sublime qui semblaient se refléter sur les autres ; car, au milieu de toutes ces horreurs, pas un mot de découragement ne se faisait entendre. Chacun essayait d’apporter à son voisin quelques distractions ou quelques douceurs, et ce fut ainsi que le 1er avril, en allant à la découverte du côté où les canots d’écorce étaient cachés, Léger ramena au camp un indien et sa femme.

« C’étaient les premières figures humaines qu’on eût vues depuis le départ de la rivière au Pavillon, et le P. Crespel, qui parlait à merveille plusieurs idiomes sauvages, expliqua à ces nouveaux hôtes leur triste situation et les supplia les larmes aux yeux d’aller à la chasse et de leur apporter des vivres. L’indien promit solennellement. Le lendemain arrive, deux jours, trois jours se passent et le peau-rouge ne revient pas ; alors n’y pouvant plus tenir, Léger et le P. Crespel se traînent jusqu’au ouigouam, mais pour constater avec terreur qu’un des canots était disparu ! Rendues pru-