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EN RACONTANT

vaisseau de 300 tonneaux, armé de 14 canons et commandé par M. de Freneuse, vint se jeter « à un quart de lieue de terre, sur la pointe d’une batture de roches plates, éloignée d’environ huit lieues de la pointe méridionale de l’Anticosti. »

Le récit qu’en a fait le P. Crespel, qui faisait partie de l’équipage, est tellement navrant, que je me permets de l’insérer ici, persuadé qu’il devra intéresser le lecteur. Je l’emprunte à un des ouvrages de M. Faucher de Saint-Maurice, sur ses admirables études sur le bas du fleuve :

— « C’était le 3 novembre 1736 que M. de Freneuse partait de Québec avec 54 hommes à son bord pour se rendre à Larochelle, France. Tout s’était passé sans aucune avarie jusqu’au 14 au matin. Il y avait bien eu, de fois à autre, quelque saute de vent qui, jeté au nord-nord-est, avait passé au nord-est, puis à l’est-nord-est, puis à l’est, pour finir par se fixer pendant deux jours au sud-sud-est. Jusque là, solide et neuve, la Renommée se comportait admirablement, et les ris pris dans les huniers, elle louvoyait au large de l’Anticosti, se gouvernant sur son compas au sud-est-quart-est, puis au sud-est. Tout à coup, le vent fraîchit et se mit à souffler en tempête ; la lame se creuse, devient fatigante, et en voulant virer à terre, le navire touche, se met à talonner et embarque aussitôt d’énormes paquets de mer. Il n’en fallait pas plus