Page:Gregory - En racontant, 1886.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
EN FLORIDE

Je remarquai trois ou quatre blancs de bonne mine, condamnés, me dit-on, pour péculat ou pour quelque offense de ce genre. Ils étaient accouplés à des nègres et n’étaient pas mieux traités que ceux-ci. Lorsque des prisonniers s’évadent, une meute de chiens dressés à cette chasse, est lancée sur la piste des fuyards, et, en suivant cette piste au flair, ces chiens limiers ne manquent jamais de rejoindre les déserteurs que reprennent les gardiens suivant à cheval la meute.

Il arrive que des prisonniers, recommandables par leur bonne conduite et leurs aptitudes, jouissent d’une liberté relative, et ne sont pas mis à la chaîne : ce sont les trustrees ou « employés de confiance ». Tel était le cas de Charlie, celui qui nous servait de domestique, garçon honnête et intelligent. Pendant, qu’il nous servait à table, je lui demandai :

— Combien de temps as-tu été ici, Charlie ?

— Cinq ans, monsieur.

— À combien d’années as-tu été condamné ? repris-je.

— À autant d’années que je vivrai, répondit-il.

— Pourquoi as-tu reçu cette condamnation ?

— Pour avoir tué un homme.

— Et pourquoi as-tu tué un homme ?

— Parce qu’il avait tué mon père avec un fusil : je lui arrachai son arme des mains et l’étendis raide