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des commentateurs a voulu appliquer aux sociétés humaines ses théories sur la « lutte pour l’existence » et leur donner une extension à laquelle il n’avait fort probablement jamais pensé lui-même.

« Vu les difficultés de l’existence » disent-ils, « il est tout naturel, que la société soit divisée en deux classes[1] : les jouisseurs et les producteurs. Étant donné que la terre ne fournit pas assez pour assurer la satisfaction des besoins de tous, il y a lutte entre les individus et, par conséquent, des vainqueurs et des vaincus. Que les vaincus soient asservis aux vainqueurs, cela va de soi, c’est la conséquence de la lutte, mais cette lutte aide au progrès de l’humanité en forçant les individus à développer leur intelligence, s’ils ne veulent pas disparaître. »

« Dans les temps préhistoriques » ajoutent-ils, « le vainqueur mangeait le vaincu ; aujourd’hui il l’emploie à produire pour l’utilité de la société et augmenter les jouissances qu’elle peut fournir, il y a donc progrès réel. On peut le déplorer », — ce sont toujours les économistes qui parlent — « mais les conditions de l’existence sont ainsi, les vivres tellement restreints, qu’il est impossible de satisfaire largement aux besoins de tous. Il faut qu’il y en ait qui consentent à se priver. C’est une loi naturelle qu’à un petit nombre d’élus soit réservée la satisfaction intégrale de leurs besoins. Par le fait seul qu’ils sont les vainqueurs, ces élus se trouvent être les plus aptes, les mieux doués. »

« Certes, il est regrettable » — c’est étonnant ce

  1. À côté de cela, d’autres prétendent que les classes n’existent plus ; que c’est une invention des socialistes et des révolutionnaires !