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INTRODUCTION




Un vers français peut être parfaitement correct, c’est-à-dire conforme aux règles, et pourtant mauvais. « Qu’un vers ait une bonne forme, dit V. Hugo (Litt. et phil. mêlées), cela n’est pas tout ; il faut absolument, pour qu’il ait parfum, couleur et saveur, qu’il contienne une idée, une image ou un sentiment. L’abeille construit artistement les six pans de son alvéole de cire, et puis elle l’emplit de miel. L’alvéole c’est le vers ; le miel, c’est la poésie ». Il y a en effet deux choses à distinguer dans le vers, le contenu et le contenant, le fond et la forme ; et un vers ne saurait être parfait que si ces deux éléments sont irréprochables. Ce sont là des banalités qu’il est bon de répéter quelquefois. Quand l’idée réunit les qualités désirables et que la forme n’est que strictement correcte, on ne peut pas dire que le vers soit mauvais, mais il est permis de souhaiter mieux. Un bon tableau se contente à la rigueur du cadre le plus modeste : une simple latte de bois blanc peut lui suffire, mais non pas le mettre en valeur. Chacun sait combien un cadre artistement orné donne parfois de relief à l’œuvre qu’il entoure. Mais il faut pour cela qu’il remplisse certaines conditions ; ce n’est pas assez qu’il soit beau en lui-même, en tant que cadre, il faut qu’il soit approprié au tableau. Le même cadre ne pourra pas servir indifféremment pour une nature morte et pour un paysage où l’on voit le ciel se confondre à l’horizon avec les flots d’une mer immense ou avec les ondulations d’une campagne illimitée. Dans les deux cas il pourra être très simple, la simplicité n’excluant pas la beauté, mais dans le second il devra en