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se trouvait une licorne, qui, d’après les croyances superstitieuses du temps, avait le pouvoir d’annuler l’effet des poisons. Quand il sortait, il était escorté d’une garde (familares) composée de cinquante cavaliers et de deux cents fantassins.

Il eut pour successeur Deza. Cet inquisiteur général renchérit sur Torquemada, car sous lui, les bûchers s’élevèrent encore en plus grand nombre. Aux exécutions des Marranes vinrent s’ajouter celles des Morisques restés en Espagne, et, un peu plus tard, celles des partisans du réformateur allemand Luther. Grâce à la férocité sanguinaire du Saint-Office, l’Espagne prit l’aspect d’une grande boucherie humaine. Il arriva alors, ce qui était inévitable, qu’à force de voir partout des suspects, les bourreaux se méfiaient les uns des autres. Deza lui-même fut accusé, à la fin, de pratiquer secrètement les rites juifs.

L’expulsion des Juifs d’Espagne produisit une impression pénible sur presque tous les princes d’Europe, et le Parlement de Paris blâma sévèrement Ferdinand et Isabelle d’avoir proscrit de leur pays une classe de citoyens aussi utiles. Le sultan Bajazet fit cette remarque : Vous appelez Ferdinand un monarque avisé, lui qui a appauvri son empire et enrichi le mien !

Parmi les exilés, ceux qui avaient habité la Catalogne et l’Aragon furent relativement plus heureux que leurs compagnons de souffrance, parce qu’ils purent s’établir, au moins pour quelque temps, dans un État voisin, la Navarre. Ils eurent ainsi le temps d’examiner dans quelle contrée ils se rendraient définitivement. C’est que, jusqu’alors, le prince et le peuple de Navarre s’étaient opposés à l’établissement de l’Inquisition dans leur pays. Quand, après le meurtre de l’inquisiteur Arbues, plusieurs Marranes, complices de ce crime, se furent réfugiés en Navarre et furent réclamés parle tribunal d’inquisition, la ville de Tudèle déclara aux émissaires chargés d’arrêter les coupables qu’elle ne permettrait pas à l’Inquisition de s’emparer de personnes à qui elle avait donné asile ; elle ne céda même pas aux menaces de Ferdinand. Il est vrai que d’autres villes de la Navarre se refusèrent à recevoir des proscrits juifs d’Espagne. Le nombre des exilés qui s’établirent en Navarre peut être évalué à douze mille, dont le comte de Lérin accueillit probablement la plus grande partie. Mais ils ne séjournèrent