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guide un Juif de Constantinople émigré en Italie, Yohanan Aleman, qui parvint à le convaincre de la haute antiquité et de la profonde sagesse de cette doctrine. Grâce à sa puissance d’assimilation, Pie de la Mirandole se familiarisa rapidement avec les théories cabalistiques, où il crut même trouver une confirmation des vérités du christianisme. Persuadé que la Cabale enseigne les dogmes de la Trinité, de l’incarnation, du péché originel, de la chute des anges, du purgatoire et de l’enfer, il traduisit de l’hébreu en latin plusieurs ouvrages cabalistiques pour mettre cette merveilleuse doctrine à la portée des chrétiens. Parmi les neuf cents propositions qu’à l’âge de vingt-quatre ans, il s’engagea à défendre devant les savants du monde entier, invités par lui à se rendre à Rome à ses frais, se trouvait aussi l’affirmation qu’aucune science ne proclame avec plus d’évidence la divinité du Christ que la magie et la Cabale. Le pape Sixte IV (1471-1484) se prit alors d’un grand amour pour la Cabale et, dans l’intérêt du christianisme, déploya un zèle actif pour faire traduise en latin des écrits cabalistiques.

Loin de partager l’enthousiasme de son ancien élève pour la Cabale, Elia del Medigo eut, au contraire, le courage de manifester ouvertement son dédain pour cette fausse science, d’en montrer l’inanité et d’affirmer qu’on n’en trouve aucune trace dans le Talmud, et que le Zohar, si vénéré par les cabalistes, était l’œuvre, non pas de Simon ben Yohaï, mais d’un falsificateur. Tout en étant un fervent adepte du judaïsme rabbinique, Elia n’acceptait pourtant pas comme vraies toutes les assertions du Talmud. Sollicité par un de ses disciples juifs, Saül Cohen Aschkenazi, de Candie, de montrer à quels signes on reconnaît, selon lui, qu’une religion est vraie, il composa un petit livre, très substantiel, intitulé Examen de la religion, Bekinat Haddat, qui jette un jour lumineux sur l’ensemble de ses conceptions.

Non pas qu’Elia ait exposé des idées neuves dans son Examen de la religion. Les Juifs italiens, en général, n’étaient pas assez vigoureux d’esprit pour pouvoir enrichir le judaïsme de notions nouvelles. Du reste, dans son ouvrage, Elia s’inspire bien plus de la foi que de la raison, et il y cherche plutôt à défendre sa religion qu’à créer du nouveau. Mais son époque est si stérile en productions