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nombreux lecteurs ; il se répandit rapidement en France et supplanta les travaux de Saadia et des caraïtes. Pendant quelque temps, il fut le seul guide autorisé pour les études bibliques.

Élégant, noble et clair dans sa prose, Menahem ne composa que des vers lourds et disgracieux ; il ne savait pas encore manier le mètre hébreu. Sur ce point, il fut surpassé par son rival Dounasch ben Labrat.

Ce poète, nommé aussi Adonim, était originaire de Bagdad. Plus jeune que Menahem (né vers 920 et mort vers 990), il était établi à Fez quand il fut appelé par Hasdaï à Cordoue. Possédant apparemment une petite fortune, il se montra de caractère plus indépendant que le grammairien de Tortose. Vif, impétueux, prompt à la riposte, il semblait né pour les luttes littéraires. Sans égards pour la personnalité et la situation de Saadia, dont il était l’ami et peut-être le disciple, il attaqua avec vigueur les écrits exégétiques et grammaticaux du gaon. Dès qu’il connut le lexique de Menahem, il accabla l’auteur de ses railleries et de ses sarcasmes. Sa critique, écrite dans un langage élégant mais souvent injurieux, ne resta pas sur le terrain scientifique, il lui imprima un caractère personnel en dédiant à Hasdaï ses polémiques contre Menahem. Ses dédicaces, toujours très flatteuses pour Hasdaï, indiquât clairement qu’il s’efforçait de plaire au ministre juif et de déprécier à ses yeux le grammairien de Tortose.

Dounasch atteignit le but qu’il poursuivait. L’admiration de Hasdaï pour Menahem, très grande à l’origine, diminua peu à peu, elle se changea même en hostilité quand des envieux, comme il s’en rencontre toujours, eurent noirci Menahem dans l’esprit du ministre juif. Après la mort de leur maître, des disciples de Menahem, dont le plus remarquable était Juda ben David Hayyoudj, défendirent sa mémoire. Employant contre Dounasch les armes dont il s’était servi lui-même, ils l’attaquèrent avec véhémence dans des satires qu’ils dédièrent à Hasdaï. À l’occasion du retour du ministre à Cordoue, ils lui adressèrent les vers suivants : « Saluez, ô montagnes, le protecteur de la science, le prince de Juda ! Tous applaudissent à son retour, car en son absence les ténèbres seules règnent, les arrogants sont les maîtres et maltraitent les enfants d’Israël. Avec lui reviennent l’ordre et la sécurité. » Les disciples de