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félicita les habitants de Deckendorf d’avoir brûlé et exterminé les Juifs et les autorisa à se servir en public de tout ce qu’ils avaient volé. Le pape Benoît XII chargea, il est vrai, l’évêque de Passau de faire une enquête sur la prétendue profanation de l’hostie imputée aux Juifs et de punir les dénonciateurs, s’ils étaient convaincus de mensonge, avec toute la rigueur des lois canoniques. Mais que pouvait la sévérité de l’Église contre les mœurs rudes et grossières des chrétiens de ce temps ? De terribles expériences allaient, du reste, prouver une fois de plus aux Juifs que ni la protection du pape ni celle de l’empereur ne leur étaient d’aucun secours. Car, dans presque toute l’Europe, partout où dominait la Croix, les communautés juives allaient être décimées par d’épouvantables massacres.

Ces horribles tueries se produisirent à la suite de l’apparition de la peste noire. Ce fléau, dont l’arrivée en Europe avait été précédée d’un tremblement de terre et d’autres phénomènes effrayants de la nature, vint des frontières de la Chine jusqu’au cœur de l’Europe, où il sévit avec une violence inouïe pendant plus de quatre ans (1348-1352) et enleva le quart des habitants (environ vingt-cinq millions). Affolés par la terreur, les chrétiens se ruèrent sur les Juifs, les torturant, les massacrant, les brûlant, comme s’ils voulaient les exterminer jusqu’au dernier. C’étaient là les conséquences de l’enseignement de l’Église. Ni les musulmans, ni les Mongols, qui pourtant périrent en grand nombre victimes de la peste noire, ne songèrent à en rendre responsables les Juifs. Seuls les chrétiens leur attribuèrent cette épidémie. C’est que l’Église avait accusé si souvent les Juifs d’assassiner las chrétiens, et surtout d’égorger les enfants, qu’à la fin ses adeptes en étaient absolument convaincus. Aussi, dès que, par suite des circonstances, toute discipline et toute obéissance eurent disparu et que les chrétiens affalés ne se laissèrent plus arrêter ni par la crainte de la répression ni par le respect pour leurs chefs, on put voir dans toute leur horreur les résultats des prédications de l’Église contre les Juifs. La peste noire n’épargna cependant pas complètement les Juifs. Mais, comme ils moururent en moins grand nombre, soit à cause de leur régime sobre et hygiénique, soit à cause des soins dévoués dont ils s’entouraient mutuellement, ils