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rien tirer d’eux, il les donna en gage à son frère Richard, qui les ménagea encore moins que le roi Henri.

On peut juger par les chiffres suivants quels lourds impôts Henri III faisait peser sur les Juifs d’Angleterre. Dans l’espace de sept ans, ils durent lui payer 422.000 livres sterling. Un seul juif, Ahron de York, fut obligé de verser au roi, dans ces sept ans, 30.000 marcs d’argent, et à la reine 200 marcs d’or.

Aux exactions royales venaient s’ajouter encore, pour les Juifs d’Angleterre, les vexations de l’Église. À la suite des démarches pressantes du clergé, le roi défendit aux Juifs de construire de nouveaux temples et de réciter les prières à haute voix dans leurs synagogues, et il leur enjoignit très sévèrement de porter toujours, et d’une façon visible, le signe distinctif sur leurs vêtements. La situation était telle que le grand rabbin Elias déclara, au nom de tous ses coreligionnaires d’Angleterre, qu’ils ne pouvaient plus supporter les souffrances qu’on leur infligeait et qu’ils demandaient l’autorisation d’émigrer. Quelque triste et douloureux qu’il fût, l’exil se présentait pour ces malheureux comme la délivrance. Mais on refusa même de les laisser partir, et ils furent forcés de rester malgré eux en Angleterre.

À en juger superficiellement, et surtout quand on les compare à leurs coreligionnaires d’Angleterre, de France et d’Allemagne, les Juifs d’Espagne se trouvaient à cette époque dans une situation très satisfaisante. En Castille, ils étaient alors gouvernés par le roi Alphonse X (1252-1284), que ses contemporains avaient surnommé le Sage, et qui était, en effet, un ami de la science et un esprit libéral. Quand il marcha, eu sa qualité de prince héritier, contre Séville, il avait des Juifs dans son armée, et après la victoire, au moment de partager les terres à ses soldats, il n’oublia pas les Juifs. Il répartit entre eux les champs d’un village qu’il leur donna en entier, et qui prit le nom de village des Juifs, Aldea de los Judios. Les Juifs de Séville, qui vivaient malheureux sous les Almohades, ayant sans doute accueilli avec joie son entrée dans la ville conquise, Alphonse les traita avec bienveillance et leur donna trois mosquées pour ! es transformer en synagogues. Comme témoignage de leur reconnaissance, les Juifs de Séville lui offrirent une clef admirablement travaillée, sur laquelle était gravée cette