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LES PETITS MACHIAVELS.

SUZON LA CUISINIÈRE.


La neige couvrait la campagne qui s’étend de Lieursaint à Melun ; chaque arbre offrait un brillant rameau de cristal, auquel le soleil couchant venait attacher des milliers de petits lampions rouges, bleus, verts et violets. Le froid était vif et cassant. Pas un oiseau ne rayait l’espace. À des distances perdues, des lignes de fumée montaient lentement dans l’air en forme de tire-bouchons, et accusaient quelque reste de vie sur la terre muette et glacée. Quel charme n’a pas ce sommeil de la nature ! Comme l’homme, que ne viennent plus distraire le feuillage des arbres, le bruit des ruisseaux, l’éclat des prairies, le chant des oiseaux, la conversation des êtres créés, aime à rentrer en lui et se sent sérieusement heureux en goûtant ces deux puissantes jouissances du cœur et de l’esprit : se souvenir et imaginer, regretter et espérer encore ! J’ai toujours con-