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LES ADVIS.

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LES ADVIS.
Et Leucafpe dont Mars à la gloire efclaircie.
S’eftans aur port de Troye alliez d’vn beau noud,
Meſme routeils fuiuoient conioncts en mefme vou :
Quand l’Auton nauffrageux d’vn grand choc bouleuerfe,
Leur Trouppe & leur vaiffeaux perdus en l’Onde perfe.
Palinure Pilotte encore il apperçoit,
Qui dans la trifte bande à lents pas tracaffoit.
N’agueres obferuant la face des Eftoilles,
Tandis qu’vn vent Lybique enfloit fes rondes voiles ;
De la poupe maiftreffe en Mer il trebucha,
Et fon corps bras ouuefts fur les flots s’efpancha.
Quand Enée apperçoit fa dolente figure,
Die
A peine reinarquable à trauers l’ombre obfcure :
Palinure, dit-t’il, quel Deftin ou quel Dieu,
Pour te rauir à moy, t’a reduit en ce lieu ?
Qui t’acabla pauuret, fous la vague mutine ?
Refponds à ton amy : la Prophete Cortine,
Par mes fidelles foins enquife exactement,
En cét article feul fes Oracles dement.
Elle me promettoit que la fiere tempefte
En la courfe des Mers ne frapperoit ta tefte,
Telaiffant fein & faufl’Italie aborder :
Sa foy doibt elle ainfi nos fiances frauder ?
Palinure replique : Ogenereux Enée,
Phebus n’a point fraudé la foy qu’il t’a donnée :
Ny mefme aucun des Dieux contre nous irrité,
Dans le gouffre des Mers ne m’a precipité.
Car tandis que piqué des foins de mon office,
le guidois à deux bras d’effort & d’artifice,
Le timon principal à ma garde commis,
pour vaincre la rigueur des Autons ennemis ;
Cét effort l’arrachant d’vn fault il fond on l’Onde,
Et fans lafcher les bras fa cheute ie feconde..
Par l’impiteufe Mer ie te protefte icy,
Que ie n’eus pour mon chef ny crainte ny foucy,
Si griefs que la douleur que l’eus pour ta perfonne :