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UN CŒUR VIRGINAL

— Cela ne vous ferait donc pas plaisir, Rose ?

Elle fut si contente d’être appelée ainsi qu’elle fut un moment sans répondre ; puis elle dit, toute rougissante :

— C’est que je ne sors presque jamais ; je n’y pense pas. Vous savez bien que cela me plaira beaucoup de sortir avec vous.

Elle ajouta, d’un ton d’enfant gâtée :

— Je vais prévenir mon père. Nous irons après déjeuner.

M. Hervart considéra encore une fois son indéchiffrable brin d’herbe.

— J’ai, dit-il, une bonne adresse : Lepoultel, opticien de la marine. Connaissez-vous ? C’est un ami de Gauvain…

— Le marchand de bêtes ?

— Comment, vous avez retenu cela ?

— Je retiens tout ce que vous me dites, répondit Rose, très sérieuse.

M. Hervart fut flatté. Il songea aussi que cette petite fille sentimentale pouvait fort bien faire une femme très sage et très pratique. Sa vie singulière lui apparut en une vision rapide. Il revit