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UN CŒUR VIRGINAL

Le lendemain, elle se fit, dès son réveil, la même question dangereuse. Puis, tout à coup, un flot de rouge lui monta à la tête. Elle venait de se souvenir de tous les jeux auxquels l’avaient induite son innocence et la bonhomie perverse de M. Hervart.

« Je suis déshonorée, se disait-elle. Suis-je une jeune fille ? »

C’était la première fois qu’elle ressentait de la honte en se représentant les baisers et les caresses où son cœur, plus que sa chair, s’était pâmé. Sans qu’elle eût conscience de ce revirement, la douleur dont elle continuait de souffrir, sans changer de nature, venait de changer de cause.

Quand Léonor la salua, elle se sentit rougir et se détourna aussitôt pour découvrir sur sa jupe un brin de fil imaginaire.

— Alors, c’est demain qu’on vous reconduit ? disait M. des Boys.

— Si l’on n’arrange pas le jardin avant l’hiver, dit Rose, il faudra attendre l’automne prochain.

— C’est évident, répondit Léonor, on ne peut