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UN CŒUR VIRGINAL

la trentaine, souhaitait des ébats moins rapides et plus compliqués. Les baisers de Léonor et ses chuchotements avaient peu à peu dessiné dans son imagination des images qu’elle voulait voir en vie. Que de fois n’avait-elle pas pensé à une fugue ! Deux jours à Paris ! Et ces deux jours, voici que son mari lui-même les lui donnait !

En disant « Je suis contente ! », elle s’avouait un bonheur auquel il lui semblait encore impossible de croire tout à fait. Elle se pressa contre Léonor :

« Est-ce vrai ? Nous voilà donc tous les deux seuls et libres ? »

Plus bas, elle ajouta, cependant que sa gorge se soulevait en vagues précipitées :

— Comme je vais être à toi, bien à toi, enfin !

— Toute, toute ? demanda Léonor en touchant sa bouche de sa bouche.

— Je t’appartiens.

Alors, elle eut la sagesse de se reculer, et elle demanda, en s’approchant de la portière :

— Où sommes-nous ?