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UN CŒUR VIRGINAL

— N’est-ce pas ? Quelquefois, quand il me parle, il me semble qu’un monde s’ouvre à moi.

— Il connaît tout ce qu’on peut connaître, les arts et les sciences, l’amitié et l’amour, les hommes, les femmes… Il en a tant vu et de toutes sortes.

Cette fois, Rose réfléchit un petit instant, puis :

— Aussi j’ai en lui une immense confiance. C’est un bonheur pour moi qu’il soit venu passer ici ses vacances. J’ai plus appris avec lui en quelques semaines qu’en toutes mes autres années.

Léonor regarda Rose. Il éprouvait une grande émotion. Être aimé ainsi lui sembla tout à coup l’état de félicité suprême. Il n’avait jamais cru que l’on pût inspirer à une jeune fille une confiance si ingénue. Et quelle franchise ! Quelle divine simplicité !

« Comment être aimé ainsi ? Quel est son secret ? Ah ! si j’osais en demander davantage ? Mais non, je ne veux point même tenter de violer une intimité si délicieuse à contempler. C’est le bonheur que je vois, spectacle rare ! »

Il regarda Rose encore une fois.