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UN CŒUR VIRGINAL

avec presque tous les autres sentiments, et même avec la haine.

— Oui, reprit Léonor, en apparence. Car il y a bien des sortes d’amour. Celui qui lutte avec la haine ne sera jamais qu’un amour d’intérêt ou de sensualité.

— On ne sait jamais. Je tiens que l’amour, de même qu’il est prêt à toutes les métamorphoses, peut dévorer tous les autres sentiments et s’installer à leur place. Il vient, il s’en va, sans que l’on puisse comprendre le mécanisme de ses voyages. Il dure deux heures ou toute la vie…

— Vous confondez les genres, dit Léonor. D’ailleurs, pour s’entendre, il faut laisser aux mots leur sens traditionnel, avec toutes ses nuances. L’amour est au fond de tous les sentiments comme négation ou comme affirmation : on peut dire cela, et quand on a dit cela, on n’a rien dit. Croyez-vous que cela soit en vain que l’usage verbal emploie les mots de passion, caprice, inclination, goût, curiosité, sympathie et tant d’autres ? Il faudrait plutôt, je crois, créer