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avec mon désappointement ; une heure, me dit le cocher, j’ai une heure pour me morigéner de tant d’émotion inutile. Nous partons : voici l’Orne, les deux ponts voisins et le long du fleuve encaissé de murailles, une amusante maison à balustrades et à balcons sur l’eau ; un marchand de parapluies à l’enseigne d’un très beau parasol rouge de chanteur ambulant ; nulle voiture dans les rues paisibles et celle-ci amène aux portes des hommes, des femmes, pas d’enfants : la cage sans oiseaux, la maison sans enfants : c’était une prophétie. L’école, le lycée, la caserne, le bureau, l’atelier : la Révolution française a perfectionné l’esclavage, il est unanime. Une église à demi gothique, quelques vieux pignons et des façades moins égalitaires me distraient ; mais, malgré la montée, nous passons vite ; puis le maigre faubourg, la route plate, l’étendue d’herbe unie et grise, des carrières et des roues, quelques peupliers.