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intelligence, de noter avec discrétion ses premières émotions d’adolescente, de marquer en tout cela le caractère propre de la fillette, sa personnalité encore vague, son inconscience d’orpheline, son ignorance, ses étonnements, bien d’autres traits encore, et que jamais, sous le récit de l’enfant, on n’aperçût la grande personne qui parle et qui écrit. Dire que l’auteur a entièrement réussi, ce serait reconnaître par cela même qu’elle a fait une création presque miraculeuse. Elle a réussi dans une certaine mesure et assez pour que son œuvre soit réellement remarquable. Ce sont bien, autant qu’on peut se les figurer, les sensations d’une pauvre petite fille qui a assez d’intelligence pour voir et se souvenir à peu près, pas assez encore pour chercher à comprendre et à expliquer. Elle passe dans la grande vie compliquée en y faisant une toute petite ombre et je ne crois pas qu’on y aperçoive trop visiblement celle de l’auteur. En cela Marie-Claire est une œuvre d’art, et le style, parfois un peu plus maniéré qu’il le faudrait, ne gâte ni ne diminue l’impression générale et dernière.

Très différente est la Vagabonde de Colette Willy, qui d’ailleurs n’a pas révélé, mais seulement confirmé, l’originalité vive de l’auteur. Ce sont également des souvenirs arrangés avec beaucoup d’adresse et sans doute beaucoup d’imagination, et racontés sur un ton de confidences qui leur donne