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ÉTAT D’ESPRIT



26 octobre 1914.


J’ai reçu des nouvelles du front ; lequel, on ne me le dit pas. Le timbre de la poste est mystérieux. Il porte seulement ces mots peu explicites : Trésor et Postes, 20 octobre. Attaché comme cycliste à un état-major, ce jeune soldat a sans doute eu des facilités de communication car, d’où qu’elle vienne, sa lettre n’a mis qu’un temps presque normal à me parvenir. La dernière fois que je l’avais vu, il faisait avec impatience son temps de service, méditant surtout sur les activités dans lesquelles il allait s’engager ; la brusque et violente guerre n’a pas beaucoup modifié son état d’esprit. Comme tous les jeunes gens, il songe à l’avenir plutôt qu’au présent qui n’est pour lui qu’un dur moment à passer. Il s’agirait de longues grandes manœuvres qu’il ne serait pas plus calme et plus confiant. N’ayant d’autre responsabilité que soi-même et s’étant une fois pour toutes confié au hasard, qui l’a jusqu’ici protégé, il exécute, quels qu’ils soient, les ordres commandés et s’en trouve bien. C’est que