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toutes de troubler à cette profondeur un organisme intelligent. Peut-être, car cela dépend, peut-être, de l’organisme même et de son pouvoir de sensation.

Sentez-vous que la phase fatale viendra où, sans avoir atteint le faîte, lassés, nous retomberons. Vous l’ai-je écrit déjà, ou dit ? Cela me hante. Il vaudrait mieux s’empoisonner et mourir avec une illusion d’éternité. Si ce qui vous reste de raison et de raisonnement doit encore demeurer longtemps ferme sur la brèche, en vérité cela vaudrait mieux.

D’implorer votre abnégation, non.

Ce mot a suffi pour m’arrêter.

Je donnerais librement et joyeusement ma vie et tu marcherais au sacrifice. Épargne-moi cette ironie : attendons que les convenances sociales descellent tes lèvres. Attendons, orgueilleuse, car tu m’aimes et c’est l’orgueil qui te roidit.