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Pas de poésie dans l’âme aujourd’hui ; une journée laide, sans lectures, sans écritures, sans solitude ; j’ai scrupule d’envoyer à mon amie ce terne reflet d’une pensée obscurcie.

C’est ma faute aussi. Peut-être si j’avais prévu rester ici aujourd’hui, aurais-je eu une lettre que je ne trouverai que demain, poste restante, à Coutances.

Ces trois derniers jours vont se passer en déplacements ; j’ai hâte d’être à la minute attendue et je ne parle pas encore de la minute suprême, seulement de celle où je monterai dans le train de Paris.

L’autre, celle où je te toucherai, je la pressens d’une joie si aiguë que j’en ai peur, presque. Je te toucherai, oh ! j’ai besoin de te toucher, de te sentir dans mes bras, de t’étreindre, de te serrer contre moi, mes lèvres à ta tempe, longtemps, longtemps ; et de me mettre à tes pieds, la tête