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teint le Tout ? Tu m’as fait sentir d’inaccoutumées vibrations, en ces six mois où lentement je pénétrai ton intimité. Et voici qu’en écrivant ces mots, toute la suite des jours se déroule, clairs ou sombres, marqués de larmes ou marqués de tressaillements, des jours, aucun pareil, où j’ai vécu la vie de sentiment la plus profonde, d’une intensité à briser toutes les cordes de l’instrument.

Je t’aime de toutes les joies, aussi de toutes les tortures qui nous furent communes. Ces jours, celui où je gardai un instant ta main dans la mienne ; nous étions debout, tu me parlais, tu me fixais, je crois, un rendez-vous, et je n’entendais rien, je ne me souvins que plus tard ; celui où tu ne me repoussas pas, mais encore ironique ; ces lectures où plus de fluide m’entrait par les doigts au contact de ta main que par ta voix de syllabes dans les oreilles ; celui où tu te laissas aller, la sensa-