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Quoique nous souffrions, nous avons la bonne part, ma chère reine, nous nous aimons uniquement, nous ne vivons que de la vie l’un de l’autre, c’est la plus grande somme de délices qu’il soit donné à une créature humaine d’éprouver. Tu m’as fait cette joie, je te dois tout ; il me semble que c’est de toi que je tiens l’existence et hors de toi je n’en voudrais pas. C’est bien la Vie Nouvelle, la Vita Nuova, qui a commencé avec ton amour. Je puis écrire comme Dante, à cette date : Ici commence la Vie nouvelle. Et j’aurais pu dire encore comme lui, quand je te vis, la première fois, si j’avais eu de justes pressentiments : Voilà un Dieu plus fort que moi, il va me dominer. Comme lente et douce a été notre mutuelle pénétration jusqu’au jour, où, par ma faute peut-être, commencèrent des luttes douloureuses. N’en regrettons rien. Le présent dépend du passé, et qui sait si ce n’est pas cela qui devait faire