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lières vacances, un singulier repos que je prends, toujours en une perpétuelle tension de pensées, les yeux vers toi. Je te voyais restée debout sur le quai, maintenant je te vois sur ce banc où nous avons fait, plus d’une fois, de longues poses tristes à l’idée de nous quitter pour douze heures, et maintenant ce sont des jours.

J’avais bien peur de la crise que tu as éprouvée ; pleurer, tu as pleuré et c’est moi qui… Ne te fais pas d’idées si noires, ô ma chère femme, pense au retour. Quand tu auras cette lettre, huit jours bientôt seront passés et il s’en faudra d’une semaine que nous nous retrouvions. La séparation est ce qu’il y a de plus cruel au monde ; si elle était irréparable, éternelle, celui de nous qui demeurerait ne demeurerait pas longtemps. Partir avec toi, s’endormir avec toi pour toujours, ce ne serait rien, et au contraire ce serait peut-être l’infini.