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Aussi je ne verrai provisoirement dans cette oraison à l’énergie que le spectacle d’un homme qui élève une barrière ingénieuse, ou quelque monument commémoratif, entre le passé et le futur de sa vie. Ce que l’on en connaît témoigne que M. Barrès sait réfléchir encore bien mieux qu’il ne sut agir et qu’il ne sait imaginer. Les Déracinés sont moins un roman qu’une thèse de philosophie sociale ou encore autre chose, les premiers mémoires d’un conspirateur qui analyse son système et inspecte son arsenal.

Disraéli, s’il ne réussit pas, parfois s’exaspère et devient Blanqui ; il paraît que c’est toujours de l’énergie : comme la caricature est encore un portrait. M. Barrès a déjà conspiré, sans craindre le ridicule d’une défaite ; raconte-t-il ses désillusions ou ses espérances ? Ses espérances : un homme comme M. Barrès n’est jamais déçu ; il a en lui trop de ressources et il s’estime trop lui-même pour avouer un insuccès, sans sourire en même temps : et le sourire cicatrise toutes les blessures de l’amour-propre. Le repos où nous le voyons n’est donc que passager ; mais il devra se lever seul et combattre seul : il y compte bien : ses ambitions ne sont pas de celles qui ont besoin de complices in-