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aux poudres ; M. Barrès, de meilleure race et de cerveau supérieur, n’a joué sur cette carte, le Pouvoir, que la moitié de sa fortune ; l’autre moitié, jusqu’ici plus fructueuse, fut placée par lui, et dès la première heure, dans la littérature.

Je ne crois pas que M. Barrès, sinon peut-être tout à fait à ses débuts, ait jamais écrit un livre, ou même une page, d’art tout à fait pur, d’un désintéressement absolu, et c’est une véritable originalité et un mérite très rare pour des écrits de circonstance (au sens élevé que Goethe donna à ce mot) qu’ils aient, avec leur valeur d’idée et de propagande égoïste, une valeur littéraire égale à celle des œuvres de beauté ingénue. Par cette méthode, toute spontanée, il apparut aux uns tel qu’un philosophe, aux autres tel qu’un poète, et les clients qui suivirent sa litière sortirent de toutes les régions intellectuelles. Il séduisait : on demanda à sa méthode des leçons de séduction. Quelques-uns ne suivirent M. Barrès que jusqu’au culte du moi, inclusivement ; ils propagèrent autour d’eux un individualisme un peu sauvage, mais qui a donné de beaux fruits ; ils enseignèrent (ceci est encore du Goethe) que le meilleur moyen de faire régner le bonheur universel, c’est que chacun commence