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lui. Qu’enseigna-t-il donc ? Ce ne fut pas certainement l’arrivisme tout pur. Il y a dans une intelligence jeune une originelle noblesse qui répugne à livrer à la vie sans condition les forces de son activité : arriver, oui, mais vers une victoire et à travers une bataille. Comme but, M. Barrès montra la pleine possession et la pleine jouissance de soi-même ; comme moyen, la séduction des Barbares qui nous entourent, entravent nos voies, s’opposent, par leur masse, au développement de nos activités et de nos plaisirs. Trop intelligent pour se soucier de ce qu’on appelle la justice sociale, trop finement égoïste pour songer à détruire des privilèges où il voulait entrer, il se fit ouvrir par le peuple la porte de la forteresse que le peuple, alors, crut avoir prise. Cette tactique qu’on croit celle des seuls révolutionnaires est celle de tous les ambitieux ; elle n’a encore mené M. Barrès que dans la première enceinte, mais de là, le jour qu’il le voudra bien et quand le boulangisme sera tout à fait oublié, il pénétrera au cœur, dans la poudrière, — et ne la fera pas sauter.

Jusqu’ici, une telle psychologie pourrait s’appliquer à plusieurs autres hommes, à M. Jaurès, par exemple, qui, lui non plus, ne mettra pas le feu