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plus véritable et moins innocent, il semble sortir de la poche d’un de ces abbés damnés capables de boire le vin de la messe dans le soulier de leur maîtresse ; livre vénéneux et souriant, fallacieux bréviaire où chaque vice a sa rubrique et son antiphone et qui tire ses « leçons » du martyrologe de Lesbos !

Oratoire parfumé à l’ambre gris, des femmes y ferment les yeux sous la voix de l’abbé Blampoix, de l’abbé Octave, du frère Hepicius, du père Reneus ; elles ne sont pas bien sages sur leurs chaises ; d’aucunes, tout à coup, tombent à genoux ; d’autres se renversent, comme de grandes fleurs pleines de larmes ; et les doigts se crispent et cherchent on ne sait quoi parmi le froissis des soies et le cliquetis des bracelets. L’abbé de Joie monte en chaire : on écoute, la paume appuyée sur les seins, avec émoi, avec délices, car l’abbé prêche Adonis sous le nom de Jésus et son discours équivoque va changer en amoureuses les fidèles du Christ…

M. Lorrain a, lui aussi, beaucoup prêché Adonis, car comment retenir les femmes si on ne prêche Adonis ? Et, comment les observer, si on les laisse fuir ? Sous ce titre insolent, Une Femme par jour, et sous ce titre doux, Âmes d’Automne, il a noté la complexité de la physionomie féminine, la naïveté ou l’inconscience de ces petites