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la racine du champignon, restée sous la terre gluante, doit repousser le lendemain un nouveau nœud vénéneux ? « J’ai mépris et dédain », disait Victor Hugo. M. Bloy n’a qu’une arme, le balai : on ne peut lui demander de la porter comme une épée ; il la porte comme un balai, et il râcle les ruisseaux infatigablement.

Le pamphlétaire a besoin d’un style. M. Bloy a un style. Il en a recueilli les premières graines dans le jardin de Barbey d’Aurevilly et dans le jardinet de M. Huysmans, mais la sapinette est devenue, semée dans cette terre à métaphores, une puissante forêt qui escalada des sommets, et l’œillet poivré, un champ resplendissant de pavots magnifiques. M. Bloy est un des plus grands créateurs d’images que la terre ait portés ; cela soutient son œuvre, comme un rocher soutient de fuyantes terres ; cela donne à sa pensée le relief d’une chaîne de montagne. Il ne lui manque rien pour être un très grand écrivain que deux idées, car il en a une : l’idée théologique.

Le génie de M. Bloy n’est ni religieux, ni philosophique, ni humain, ni mystique ; le génie de M. Bloy est théologique et rabelaisien. Ses livres semblent rédigés par saint Thomas d’Aquin en