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bons esprits s’éloignent peu des idées communes.

Transporté dans les œuvres d’imagination, l’aristocratisme de M. Rebell devient obscur, se confond volontiers avec la licence des mœurs. On est un peu dérouté. Il n’est pas bien certain que le gitonisme soit une forme très heureuse du mépris des convenances sociales ; ni que l’opposition d’un cardinal débauché à un capucin malpropre soit une démonstration très probante de la supériorité de l’aristocrate sur le mercenaire ; ni qu’un peintre hystérique et vaniteux nous fasse songer aussitôt à Titien ou à Véronèse ; ni qu’une courtisane familière des bouges évoque sans faillir les images émouvantes de la volupté vénitienne. Il y a bien des défauts et bien de la grossièreté dans cette Nichina qui a mis en lumière le nom de M. Rebell ; mais c’est tout de même une œuvre vivante, amusante et riche. On y voit une Venise à la fois délicate et basse, opulente et sordide, superstitieuse et lubrique, plus près sans doute de l’histoire que de la légende ; c’est pourquoi quelques-uns furent choqués.

Nul, au surplus, n’a cru que ce livre dût être regardé comme capital ; essai qui pour d’autres apparaîtrait un considérable effort, la Nichina n’est