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leur imposant quand il le faut le silence qui convient à leur nom.


Un roi conquit la reine avec ses noirs vaisseaux.
La reine n’a plus de peine, est douce comme un agneau.


Et tout ce petit poème, vraiment parfait :


Cette fille, elle est morte, est morte dans ses amours.
Ils l’ont portée en terre, en terre au point du jour.
Ils l’ont couchée toute seule, toute seule en ses atours.
Ils l’ont couchée toute seule, toute seule en son cercueil.
Ils sont revenus gaîment, gaîment avec le jour.
Ils ont chanté gaîment, gaîment : « Chacun son tour.
« Cette fille, elle est morte, est morte dans ses amours. »
Ils sont allés aux champs, aux champs comme tous les jours…


J’aime beaucoup de tels vers ; je n’aime guère que de tels vers, où le rythme par des gestes sûrs affirme sa présence et pour une syllabe de plus, une de moins, ne s’évanouit pas. Qui s’aperçoit que le troisième des vers que voici n’a que onze syllabes accentuées ?


Au premier son des cloches : « C’est Jésus dans sa crèche… »
Les cloches ont redoublé : « Ô gué, mon fiancé ! »
Et puis c’est tout de suite la cloche des trépassés.


Mais assez de rythmique ; il est temps que nous aimions la poésie et non plus seulement les vers des Ballades Françaises. Elles chantent sur trois