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non, chantant une barcarolle, prend un bain sentimental. Il est inutile d’insister : tout le naturalisme, en sa partie populaire, vient de Germinie Lacerteux ; cette œuvre forte et hardie n’était qu’un épisode dans l’épopée des Goncourt ; les années suivantes ils donnaient Manette Salomon, puis Madame Gervaisais, analyse suraiguë du mysticisme maladif ; néanmoins, c’est l’histoire de la servante hystérique qui semble avoir eu l’influence la plus décisive sur le développement ultérieur du naturalisme, tel qu’il fut compris par M. Zola et par ses disciples immédiats.

La domination des Goncourt s’étendit plus loin que sur une école ; hormis peut-être Villiers de l’Isle-Adam, il n’est aucun écrivain qui ne l’ait subie pendant vingt ans, de 1869 à 1889 : leur instrument de règne fut le style.

On leur attribue le mot, démonétisé depuis, d’écriture artiste ; ils inventèrent du moins la chose et se firent ainsi des ennemis de tous ceux qui sont dénués de style personnel et, naturellement, des journalistes, qui rédigent en hâte, dont le métier pour ainsi dire est de ne pas « écrire ». Écrire, selon l’exemple des Goncourt, c’est forger des métaphores nouvelles, c’est n’ouvrir sa phrase