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riode où l’on ressent une si grande tendresse pour toutes ses idées qu’on se hâte de les revêtir, même d’étoffes un peu frustes, de peur qu’elles n’aient froid dans la chemise aux notules : d’ailleurs, presque rien de ce que nous connaissons de lui, en fait de vers, n’avait reçu la suprême correction.

Mais que l’on ne prenne pas cette opinion pour absolue ; on pourrait la contrarier en citant l’extraordinaire Sarcophage vif, par exemple, ou le Subtil Empereur :


En l’or constellé des barbares dalmatiques,
La peau fardée et les cheveux teints d’incarnat,
je trône, contempteur des nudités attiques
Dans la peau royale où mon rêve s’incarna…

Je regarde en raillant agoniser l’empire
Dans les rires du cirque et les cris des jockeys,
Et cet écroulement formidable m’inspire
Des vers subtils fleuris de vocables coquets !…

Je suis le Basileus dilettante et farouche !
Ma cathèdre est d’or pur sous un dais de tabis…
Quand je parle, on dirait qu’il tombe de ma bouche
Des anges, des saphirs, des fleurs et des rubis…


Poète, Aurier l’est encore jusqu’en sa critique d’art. Il interprète les œuvres, il en rédige le com-