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(T’as pas bouffé, sûr… ni dormi !),
Pauv’ vieux, va… Si qu’on s’rait amis ?

Veux-tu qu’on s’assoye su’ un banc,
Ou veux-tu qu’on ballade ensemble ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Ah ! comme t’es pâle… ah ! comme t’es blanc !
Sais-tu qu’t’as l’air d’un Revenant ? . . . .


Et te Pauvre continue, faisant du Christ des misérables un portrait qui, trait pour trait, s’applique à lui, le Pauvre. L’idée n’est pas banale et je ne suis pas surpris qu’à l’audition, dit avec émotion et force par le poète, ce morceau soit d’un effet saisissant.

Plus loin, après avoir expose à Jésus combien sa religion a dégénéré avec la bassesse des prêtres et la lâcheté des fidèles, Jehan Rictus, le Pauvre, se souvient qu’il est aussi poète lyrique ; il y a là une strophe qui est belle et qui le serait davantage en style pur :


Toi au moins, t’étais un sincère,
Tu marchais… tu marchais toujours ;
(Ah ! cœur amoureux, cœur amer),
Tu marchais même dessus la mer
Et t’as marché jusqu’au Calvaire.