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Dierx espacer le long de sa vie de nobles et mélancoliques floraisons. Il ne faut donc avoir nulle surprise devant l’infécondité de certains poètes : à peine devrons-nous en rechercher la cause, qu’elle ait nom dédain, dégoût, défiance, ou placidité.

M. Fontainas ne semble pas le poète des violentes et fréquentes émotions. Il représente le calme des lacs abrités et des palais sans tragédies. La vie lui est apparue telle qu’un prétexte à songer, l’oreille ouverte à de rares musiques, l’œil à demi-clos tendu vers de sereines, et lointaines visions dont, bientôt fatigué, il se détourne avec une résignation qui n’est pas sans amertume :


Je fus le banneret lassé que nul espoir ne tente.


Il serait cependant maladroit d’identifier sa psychologie avec celle de ce chevalier découragé dont les soupirs sont du désespoir :


En mon âme d’ennui jamais ne s’élève
Le désir d’un désir ni le rêve d’un rêve…


Un tel état d’âme serait impropice à la poésie, et puisque M. Fontainas a fait des vers et même de beaux vers, il faut bien qu’il y ait en lui quelques